Bruce Dévernois

Gouvernance du temps de travail et des ressources humaines

Cas pratique : La mise en place d’une nouvelle organisation du travail pour faire face à une forte saisonnalité et à des retournements brutaux de conjoncture

• Un article de la rubrique Nos domaines d’intervention et cas pratiques d’entreprise

Une organisation pour répondre à des situations extrêmes

Question posée

Une entreprise dans l’événementiel de 130 salariés, dont 60 dans la logistique et 40 dans l’entrepôt a une activité à très forte saisonnalité (pics d’activité durant les fêtes et l’été, soit environ 3 mois par an). Durant ces pics, au sein de la logistique, les durées maximum du travail sont explosées (jusqu’à 140 heures par semaine), tout comme le contingent annuel d’heures supplémentaires (jusqu’à 900 heures par an) avec des revenus mensuels de salariés sans qualification très importants (entre 2500 et 3500 € par mois). Suite à une dispute entre chauffeurs-livreurs, l’inspection du travail donne six mois à l’entreprise pour revenir à l’application du droit du travail (les amendes encourues conduisant à la disparition de l’entreprise). Pour autant les salariés, ne souhaitent pas un retour aux 35 heures avec une forte diminution de leur paye.

Y-a-t-il une solution permettant de réconcilier ces contraires ?

Solution envisagée

Traiter les dépassements d’horaires des chauffeurs-livreurs autonomes dans l’organisation de leurs travaux, en instituant des conventions de forfait annuel en jours, 6 jours par semaine pouvant être travaillés avec un repos quotidien dérogatoire limité à 9 heures par jour. Pour les chauffeurs-livreurs respectant les durées maximales du travail et moins motivés, il est proposé des conventions de forfait annuel en heures, avec des rachats d’heures en cas de dépassement (le contingent annuel ne s’appliquant pas). Pour éviter toute dérive, des avenants à durée déterminée sont prévus dans le cadre des CDI instituant des conventions en jours pour une durée d’un an avec retour automatique à une convention de forfait en heures et rajustement du salaire. Si le salarié se révèle performant, un autre avenant pour la période suivante peut être signé. S’il désire lever le pied, son engagement est réduit sans sanction. Enfin, il est proposé d’asseoir une partie de la rémunération non plus au temps passé mais à la production de valeur ajoutée (ce qui offre, en cas de retournement brutal de conjoncture, une solution automatique de baisse de la masse salariale). De plus compte tenu de la saisonnalité, il est envisagé d’allouer environ 30 à 40 jours de repos par an en plus des congés payés.

Il est proposé aux 2 délégués syndicaux (CFDT dans la logistique et CGT dans l’entrepôt) un accord de méthode pour consulter les salariés par questionnaire et au sein de groupes de travail pour étudier avec eux les aménagements acceptables du temps et des rémunérations.

Résultats obtenus

Après consultation des salariés, l’organisation proposée est mise en place. L’encadrement, allégé, est plus orienté « support », le nouveau système de rémunération entraînant une forte responsabilisation individuelle (la rémunération n’étant plus fonction du temps, là où 140 heures étaient déclarées, seules 80 heures sont dorénavant observées par décompte « négatif » des temps de repos). La productivité s’est inscrite en hausse significative.

Le chef d’entreprise a libéré le temps passé à arbitrer les conflits pour ouvrir de nouvelles agences. L’entreprise s’est conformée aux exigences du droit du travail. La CFDT a été seule à signer l’accord dans un premier temps. Mais devant la protestation de l’entrepôt qui n’avait pas eu de jours de repos supplémentaires, le délégué CGT a accédé à leur demande deux ans plus tard. Le climat social s’est complètement apaisé, l’absentéisme a fortement diminué, les partenaires sociaux se sont mis à l’écoute des salariés.

Bruce Dévernois, Avocat
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